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Tu vas pas muter

shot on film, processed by hand


Tu vas pas muter  est un projet photographique et documentaire, débuté en avril 2021, et réalisé à l’argentique (35mm). Il vise à archiver les différentes manières de faire communauté au sein des parcours de transition des personnes transgenres hormonées, en s’intéressant au geste de l'injection hormonale - seul.e ou à plusieurs.
L’idée derrière ce projet est de pouvoir regarder autrement ce geste médical, à priori sommaire, mais qui encapsule  de multiples manières de renouer avec son image et son corps tout en partageant des espaces privilégiés avec les membres de sa communauté.




Au cours de cette dernière année de travail, j'ai pu suivre une trentaine de sessions d'injections.
Après quelques mois, je renvoie les photos aux personnes que j'ai pu suivre dans leur transition et je les laisse se raconter. On ne s'injecte pas que des hormones, et ces textes témoignent des trajectoires diverses mais partagées de toutes ces personnes qui cherchent à se rapprocher de leur image, de leur corps, et de leur identité.



Autour de ce projet


Expositions 

2023
Tu vas pas muter, exposition personnelle, Le Pavillon des Canaux, Paris Résistance des fluides II, exposition collective, Galerie Marcelle Alix, Paris

2022
Tu vas pas muter, exposition personnelle, Galerie Agent Troublant, Marseille
Transition, exposition collective, Galerie Friedrichshain, Berlin
Tu vas pas muter, avec l'association Passeurs d'images, exposition personnelle
Centre René Goscinny, Paris 13e
Lauréats du Prix Utopi.e, exposition collective Magasins Généraux, Pantin
14e festival des Nuits Photographiques de Pierrevert, Pierrevert
Care pour Garces, exposition collective Agent Troublant, Marseille



Récompenses


2022
Finaliste du Prix Vonovia, Allemagne
Lauréat du Prix Utopi.e, France
Finaliste du Prix Mentor, France

Publications


2023
Full Love Mag - Freaks

2022
Docu Magazine numéro 4
Censored Magazine : Réponses à la violence


Collections



2023
Collection publique, CNAP





pour mes amix
que j’ai vu naitre et qui m’ont fait au monde
pour ma fille qui me demande à chaque fois si ça fait mal
et à chaque fois je lui répond - pas du tout
et elle sourit

merci à elle de me rappeler que le jeu en vaut la chandelle


                                                              













Le projet est né à Paris, lorsque j’ai moi même commencé ma transition médicale, et débuté mes injections de testostérone.


Comme la plupart des personnes qui m’entourent, j’ai appris avec des vieux trans*, des personnes hormonées depuis plus longtemps, dans un contexte de soin et d’apprentissage intra-communautaire.
Très vite, j’ai pu assister à des apéro testo ou apéro oestro, où plusieurs personnes trans* font leurs injections toustes ensemble, et partagent un moment fort. On comprend presque tout de suite que ces moments d’injection ne sont pas que des moments médicaux. On ne s’injecte pas que des hormones : c’est un moment où l’on en profite pour boire un thé et discuter, apprendre à se connaître, se poser des questions sur son parcours, parler de sa vie.







On pourrait croire que ces multiples célébrations n’ont rien de festif...


et pourtant elles parlent bien souvent de joie et de fierté d’être celui / celle qu’on est. Par exemple, la fête de Simon, qui vient d’apprendre qu’on lui accorde son changement d’état civil, et qui organise comme acte satirique une gender reveal party. Aux murs, une banderole qu’il a mis des heures à accrocher, et qui annonce “is it a boy ? is it a girl ? it’s a mess !”.
Simon, hormoné depuis 2 ans et demi, fait toutes les injections de testostérone de son ami Lou, qui a débuté son traitement hormonal il y a 6 mois. Pour réussir à se “suivre” médicalement, Simon a tout simplement décalé de quelques jours la date de son injection, et toutes les deux semaines les deux amis se retrouvent pour partager ce moment.

Le verbe célébrer est régulièrement cantonné à son sens tiers, celui de fêter. Pourtant, en latin et même dans son premier sens en français, il signifie accomplir quelque chose de marquant, faire avec conscience, et répéter, à la manière d’un rituel, un acte important, solennel, grave.Dans Tu vas pas muter, les célébrations ne sont donc pas des fêtes, à proprement parler, mais autant d’actes marquants, déterminants pour l’identité de dizaines de personnes, d’instants solennels, partagés autour d’un geste commun : celui d’une injection d’hormones.










"Cette photo tu l’as appelé Simon célébrant Simon. C’était le soir après mon passage au tribunal pour valider mon changement d’état civil, on avait organisé une gender reveal party. Je crois que dans le fond, je m’en fichais que le F soit remplacé par un M sur mes papiers.La transition jusque là, ça avait été un processus solitaire, contacter un psychiatre, solitaire, aller chez l’endoc, solitaire, remplir les formulaires pour le changement de prénom, solitaire. Alors ce soir-là, c’était moins Simon célébrant Simon que Simon célébrant Simon entouré de celleux qu’il aime." - Simon








Un autre exemple, avec la double injection de Tal et de Sasha à la fin de l’été.


Tal, concentré, se prépare à injecter Sasha. C’est la première fois qu’il injecte des oestrogènes. Lui même suit un traitement masculinisant à base de testostérone, que Sasha va lui injecter ce même jour. Les deux s’enlacent longtemps, à la fin de ce moment fort, qui parle moins de leur transition que de la confiance et l’amour qu’iels se portent.



















Même dynamique lorsque Farrah, son amoureuse, injecte Tal quelques mois plus tard.


Elle garde une de ses mains libres pour serrer fort celle de Tal qui, malgré plusieurs mois de traitement, a toujours peur de l’aiguille. Farrah rigole tout le temps, mais cette fois ci elle est très calme, elle le rassure, elle a des gestes doux pour contrer la nervosité de Tal. Leurs mains ne se desserrent pas, même quelques dizaines de minutes après la fin de l’injection. J’étais avant tout touché de pouvoir documenter et archiver un instant d’intimité partagé, et de tendresse entre ces deux partenaires.







Je suis Tal depuis sa toute première injection, en juin 2021.
Une fois toutes les deux semaines j’assiste à ce vœu renouvelé
qu’il fait d’être tout simplement lui même.




Première injection de Tal par Eva-Luna, juin 2021

Première injection de Tal par lui même Paris, juin 2022











Lou, octobre 2021, Paris                       







Arkadiy, avril 2021, Saint Ouen

J'ai beaucoup documenté de premières injections.


Ce sont des moments très particuliers, qui ont toujours une saveur singulière, parce qu'ils mêlent autant la peur que l'excitation.Dans beaucoup de cas, je partage mon ampoule, et je joue tout à coup un autre rôle que celui du photographe: celui de l'initiateur. Ces premières injections encapsulent toujours une idée fondatrice de ce projet, celle de la confiance qu'on porte à l'autre, son adelphe, et ce moment de basculement - le premier jour du reste de notre vie.

Bobby Chalard, mon ami, jeune auteur et artiste plasticien, écrit ce texte juste après sa première injection, chez moi, à Saint-Ouen.
Ma fille lui laisse ses chaussons, pour porter bonheur, et dans ses bras il serre très fort Popi, son doudou qui ne le quitte jamais.
J’étais plus stressé que lui - comme presque à chaque fois.




Première injection de Bobby, Saint-Ouen, mai 2022
"j'avais imaginé ça plein de fumée, les mains poussiéreuses
j’avais imaginé, que je me foutrais le feu et que mon corps cramerait doucement dans les flammes c’est Popi que je sauverais je m’étais dit, juste lui mais c’était plus calme
l’intensité du feu oui, mais tendre - une preuve d’amour une preuve d’amis
j’ai pas peur des aiguilles j’ai de la chance, un Granola de précaution, juste au cas où, j’ai pas peur des aiguilles mais souvent je peux être fragile, sans faire exprès

six mains bien propres qui s’expliquent, une danse sans musique au début et puis Oblivius des Strokes en boucle, comme d’habitude,
depuis toujours je rêve d’être une rockstar

je me suis coupé le doigt quand j’ai cassé l’ampoule, un pacte de sang presque, c’est là que ça commence, le 19 avril 2022, et puis on reste ensemble la testo et moi jusqu’a la fin Popi et moi sur le drap orange, je choisis côté gauche, le Granola, les tout petits chaussons sur le parquet, mon slip fétiche, mon tshirt préféré, fétiche et préféré c’est pas pareil l’aiguille qui rentre et je sens rien, c’est déjà fini,
A. pourrait être infirmier, j’ai de la chance, avant que ça commence c’était déjà fini, avant que ça commence j’avais déjà choisi, on a toujours été le 19 avrilet Popi là, toujours à côté de moi dans un lit, n’importe quel lit tant qu’il est là, mon corps a toujours été de flammes mais maintenant je suis une rockstar, bientôt je vais me ressembler, bientôt ce sera encore le 19 avril

toutes les trois semaines c’est moi que je sauve

et je pense à ma mère, tout du long"- Bobby





                     
                    Première injection de Billye, Nantes, mai 2021

Première injection de L., Saint-Ouen, juillet 2022




Au mois d’août 2021, j’assiste à mon premier apéro-testo, à Pantin.


Une dizaine de personnes sont présentes. Chacun.e se donne des conseils pratiques, certaines personnes sont sous hormones depuis plusieurs années alors que d’autres viennent à peine de débuter. Nous sommes venus avec mon partenaire, Arkadiy, et un de ses collègues de travail, Lou.
À l’époque ils ne se connaissent pas encore très bien, et ils ne le savent pas, mais ils vont devenir très amis.


Lou & Arkadiy, Pantin, août 2021

                                                                                      Louve, Pantin, août 2021









"J'avoue avoir un kink pour les injec de testo. Pas un kink sexuel, un kink politique. J'en prends plus depuis ces photos, et la sensation de révolution sous forme d'hormones synthétiques me manque. J'ai commencé à en prendre parce que je n'en pouvais plus que mon corps soit si oestrogéné, je trouvais ça injuste, j'étais nourri par les lectures de Juliet Drouar et de Preciado. Je pensais que j'étais une femme qui révolutionnait son corps et au cours des prises de testo je me suis rendu compte que j'étais pas une femme, que je souhaitais être un être flottant (sur une rivière de testo, bien sûr). Ma première injec c'est mon ami Arkadiy qui me l'a faite, c'est lui qui me pique sur la photo. Je me souviens que c'était un moment important, et il a été le plus doux possible, il m'a même fait des pâtes. Sur cette photo, j'ai chaud, je suis épuisée, mais je me sens super vivant.
Aujourd'hui j'ai arrêté. J'ai eu peur que mon ami soit déçu de ça, mais il est super, il fait des pâtes. J'ai arrêté parce que j'ai vu un poil sur mon menton et j'ai paniqué. Le truc marrant c'est que je l'aime trop ce poil aujourd'hui, je l'enlèverai pour rien au monde. J'ai toujours les résidus de mes prises de testo, ma voix est un peu descendue, mon unique poil est toujours là et mon clit n'a pas dégrossi. C'est difficile, pour un être flottant, de savoir à quoi on veut ressembler. Aucun passing ne me satisfait. Alors j'ai peur de ne pas me reconnaître en prenant de la testo autant que je ne me reconnais pasaujourd'hui.
Pour le moment, ce flou me convient, je reprendrais sûrement de la testo, en attendant je satisfais mon kink en piquant les autres."- Lou.





Arkadiy, Saint-Ouen, mai 2021




De temps en temps, je ne peux pas prendre de photos, car je suis en train de piquer lae participant.e.


Je laisse alors mon appareil en effectuant les réglages necessaires, et si une autre personne est disponible, je lui laisse documenter ce moment partagé. Ça ne marche pas à chaque fois, mais ce procédé me permet de changer de place, de point de vue, et surtout de garder un principe de choralité entre les personnes présentes.
Cette photo, prise par Yolaine Pavolini, artiste d’animation et illustrateur, s’accompagne d’un long texte écrit presque un an après cette session.





“La première chose que je vois sur cette image c’est la cicatrice sur la phalange de Nanténé. Je la trouve toute délicate, bien placée. Ensuite LOVE sur les phalanges de sa main gauche. La cicatrice et l’amour comme éternelle boucle. J’ai pris cette photo chez lui à Nantes, à un moment où j’allais très mal. Je pleurais tous les jours. Je lui ai proposé de prendre les photos, pour archiver cette première fois. Je pense que c’était ma manière de m’échapper de moi. J’ai laissé mon oeil faire, s’intéresser à ses sujets favoris : la tendresse, l’amour, les mains. La tendresse des mains qui délicatement prennent la peau. Qui délicatement massent le muscle. Qui délicatement forment une croix sur la fesse pour savoir où piquer. Qui délicatement n’oublient surtout pas le gel hydroalcoolique et l'antiseptique et les compresses stériles, que tout soit bien stérile. Les mains délicates qui délicatement injectent l’Androtardyl. Délicatement, le pouce sur la seringue, entre deux personnes qui s’aiment, moi qui regarde deux personnes qui s’aiment.
Moi qui n’en peux plus mais moi qui ai toujours envie de voir la tendresse des autres.Moi qui n’a plus de place et qui choisis d’observer. Ma place c’est l’objectif, donc moi qui disparaît pour donner mes dernières énergies à l’amour. Après le sang, c’est l’histoire d’un deuil en stéréo. L’amour et la cicatrice, le deuil, et toujours l’amour. Ça a du sens, alors. Nanténé, son argentique, pas de contrôle (je lui fais confiance pour les réglages), une pellicule en noir et blanc alors qu’il a commencé la couleur.
C’est déjà vieux, c’était déjà vieux au moment où j’ai appuyé sur le déclencheur de l’appareil photo, c’est déjà un souvenir de mamie. Pas de date, pas de nom, rien. C’est rangé dans une vieille boîte pleine de vieilles lettres et de vieilles photos.
C’est précieux et ça ne vaut rien.

(C’était le 29 juin 2021, je m’en souviens)

Je repense à ce temps, je me dis que j’ai bien changé. C’est Manue qui me fait mes injections, maintenant. C’est difficile de faire confiance à une personne cis quand toutes mes injections précédentes ont été faites par des mecs trans qui se piquaient leurs propres fesses. Mais Manue c’est mon confort, c’est moi sur son lit et elle qui a volé des pansements pour enfants avec des motifs marins. Et Housewives of Atlanta ensuite. Le gars est : sécurisé. J’ai demandé à la dragonne, dans Shrek, si elle voulait apprendre à faire mes injections. Elle a de longs cils, je lui fais confiance. Elle a dit oui. L’amour et la cicatrice, la cicatrice et l’amour, le deuil entre tout ça et moi qui pense - au son des vagues. Je flotte sur la mer, les yeux fermés, le soleil me réchauffe et le brouhaha disparaît. La créature marine est seule avec moi.
Ma moustache pousse.
Ça fait 11 mois que j’ai ce rhume qui me casse la voix.
Je suis très heureux d’être malade.”- Yolaine





         

Enfin, j’ai moi même documenté à de nombreuses reprises mes propres prises de testostérone, et celles d’Arkadiy, que nous effectuons souvent ensemble


Cette notion d’auto-documentation, présente dans le reste de mon travail visuel et d’écriture, me permet de construire un parrallèle entre les personnes que je photographie et moi même, et de ne pas oublier que même si je documente, je fais moi aussi partie de cette vaste communauté, qui apprend à "faire famille" avec les moyens dont elle dispose.






 
“Avant ta première injection je t’ai demandé : « t’es sûr que tu veux que ça soit moi ? »

- Oui.

Puis j’ai ajouté :

« Tu sais, c’est pas de l’amour que je vais mettre dans tes veines »

J’ai bien désinfecté le tabouret, et la table, et ta peau

pour être sûr

c’est pas de l’amour, tu sais,

tu m’as dit « je sais. »

première injec, premier mensonge

évidemment."

- Arkadiy
"c’est ma première injection de testo je laisse mon appareil à Tal parce que je peux pas me mettre sur pied et utiliser un déclencheur, après je le ferais, pour les prochaines, mais celle là je demande à Tal qui va pleurer c’est sur parce qu’il est fier et parce qu’il a peur de faire des photos de merde mais il a pas compris que peu importe les photos l’important c’est qu’elles existent

je parle pas beaucoup j’ai les mains moites Tal va pleurer je pense moi aussi je vais pleurer Arkadiy pleure jamais alors il propose du thé je regrette de pas être omniscient de pas être dieu comme ça m’arrive souvent en fait je regrette de pas pouvoir assister à ma propre vie et d’être seulement obligé de la vivre, souvent on me demande quelles photos tu regrettes de pas avoir pris et à chaque fois je me dis que c’est celles qui m’impliquaient, je dois toujours les raconter alors que je voudrais les voir, avec mes yeux, et pas les vivre avec mon corps

après je sais plus, j’ai pas mal sur le coup mais les jours qui suivent si alors je boite
je réalises que je vais devoir me piquer toute ma vie et je sais pas ce
que j’en penses

un jour j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit
à chaque fois que je m’injecte je me demande si c’est la peur des aiguilles ou l’envie d’être moi qui va l’emporter et à chaque fois c’est moi qui gagne

c’est moi qui gagne




à chaque fois que je m’injecte c’est moi qui gagne"

- Nanténé



ma 31e injection de testostérone, par Bobby - mai 2022



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Notre-Dame des Fleurs
shot on film 


« Notre Dame des Fleurs » est une série de photos argentiques réalisées en moyen format et au 24x36mm. Elle fait référence à l’oeuvre éponyme de l’écrivain et poète Jean Genet.

Cette série propose une recherche sur les masculinités, reprenant les codes de la culture gay des années 80 et 90. Inspirée visuellement par le travail des artistes Pierre et Gilles, du vidéaste James Bidgood, et l’iconographie du couturier Jean-Paul Gaultier, elle prend cependant une autre direction que celle, hyper-sexualisée, qui définit ses codes prédécesseurs. En utilisant les artéfacts de la « nouvelles masculinité » crée notamment par les communautés homosexuelles et trans, cette série décline un cadre fixe (lumière + accessoires) où le participant va pouvoir se mettre lui même en scène, choisissant par sa posture et son bouquet ce qu’il souhaite communiquer à travers son portrait.

La ré-appropriation de ces codes esthétiques et leur dé-contextualisation proposent de réfléchir sur l’imagerie du masculinité et les différents espaces de résistance qui se créent lorsque l’on performe une masculinité dite dissidente.


merci à Jackie, Anthony, Kacim, Léon, David, Alireza, Nathan, Charly & Zak

Le but de cette série est de construire une imagerie franche, provocatrice dans ce qu’elle montre de sensible, cachant sous son apparente simplicité des portraits d’une génération dont le rapport à l’image et au corps touche à des espaces fragiles : la classe de genre, la classe sociale, la classe raciale.


Ce travail visuel est accompagné des textes des participants, qui proposent à travers leur histoire et leurs réflexions personnelles différentes lectures de ce qu’une masculinité hors des normes sociales implique. Cette série est encore en cours d’écriture, et tend à construire une réelle archive de ces masculinités multiples, cherchant sur le long terme de plus en plus de témoignages différents, afin de créer un panel plus juste de ce qu’être un « garçon » hors de la norme peut signifier aujourd’hui.

Un accompagnement à cette série ici.

Autour de ce projet - Expositions


2023
Résistance des Fluides III
, exposition collective, Galerie Sultana, Paris


2022 
Notre Dame des Fleurs
, installation éphémère, La Cadette, Paris



                  






              








       


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Une page d’amour
shot on film


Une page d’amour est un projet photographique argentique, visant à porter un regard tendre et juste sur l’intimité des personnes queer.
Avec cette série au long cours, Nanténé Traoré propose de capturer des instants de tendresse, de retrouvailles et de connection.
Le photographe déploie ici un catalogue de gestes et de motifs du quotidien, racontant d’abord les espaces de sécurité que créent les personnes queer dans leur intimité, et mettant au centre de l’image une narration simple, sincère et tendre.

Sans aucune mise en scène ni direction des modèles, prenant comme seul décor les chambres des participant•es, cette série cherche à coller au plus proche de la réalité des personnes photographiées, leur laissant l’espace nécessaire pour s’aimer sans artifices.
Archivant d’abord sa propre histoire d’amour, avec son partenaire actuel, l’artiste se tourne ensuite exclusivement vers l’appel de personnes volontaires pour archiver leurs propres espaces de tendresse. La série se laisse alors porter par les émotions provoquées par ces inconnu•es, qui font le choix de se montrer vulnérables, et de faire confiance au processus photographique mis en place par Nanténé Traoré. En travaillant ainsi, l’artiste se permet d’explorer de nouveaux territoires de l’intime, ne cherchant jamais à imposer une charte esthétique ou narrative, mais se laissant inspirer, surprendre et modeler lui même par ces partenaires d’une vie ou d’une nuit, qui racontent, le temps d’une photo, leur propre histoire de la tendresse.

Un accompagnement muscial pour cette série ici.     

Autour de ce projet - Expositions


2023
Nous buvons le soleil
, exposition collective, Sultana summer set, Arles

Une page d’amour, exposition personnelle, Trapaxala, Bayonne

2022

Une page d’amour, exposition personnelle, Galerie that’s what x said, Bruxelles


Publications


2023
Almanac press issue II
- Journal of Trans Poetics


2022
Lusted Men collection










































     



     



           
                  






             
      


     





     



       
                             


                  




                                












   

          


                                                          



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           Strangers are easy to like
           shot on film, processed by hand

       
À la fin de l’année 2020, je lance sur les réseaux un appel à modèles pour réaliser des portraits en noir et blanc. Je ne sais pas vraiment ce que j’ai envie de photographier, à part des gens, alors c’est ce que je fais. D’ami.es d’ami.es en connaissances plus ou moins lointaines, l’appel se propage et je passe les trois années qui suivent à prendre en photo les personnes qui me contactent. Ces commandes pour particulier.es constituent aujourd’hui une grande part de mon activité professionnelle.
Cette sélection de portraits présente des inconnu.es qui sont resté.es inconnu.es, des inconnu.es qui sont devenu.es des ami.es, des ami.es que je n’ai jamais revu, des proches, des gens de passage et des personnes retrouvées après plusieurs années.


Cette collection de visages est toujours en contruction, et devient avec les années un panel de ce qui me parle chez l’autre. You’re right, strangers are easy to like, chante Ninja dans le morceau “Hold yr terror close”, du groupe anglais The Go Team. Les inconnu.es sont faciles à aimer, et le temps d’une séance on se prend d’amitié pour leur histoire, pour leur visage, et ce qu’iels ont à nous offrir. Ce travail d’archivage cristalise aussi ce que le photographe met en oeuvre pour connecter à ses modèles, et réussir à encapsuler l’essentiel d’elles et eux en en minimum de temps.

Un accompagnement musical à cette série ici         


Autour de ce projet - Expositions


2021 
Et moi aussi je me transforme,
duo show, Galerie Particule, Lyon.

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            Nuits blanches

           shot on film, processed by hand 
           (mostly while being drunk)



Nuits Blanches est une documentation expérimentale et poétique des nuits sous couvre feu lors des confinements successifs en 2020. Utilisant des pellicules noir et blanc poussées au maximum (400iso > 3200iso) et un stand developpement pour accentuer le mouvement des flous, ce projet propose une expérimentation visuelle autour du secret de la nuit, son mystère et la manière dont les corps se rejoignent lorsque plus personne ne les regarde.

Les espaces de nuits ont toujours été des espaces en mutation, des espaces de création et de possibilité démultipliées. Avec la surveillance accrue des populations et l’instauration du couvre feu sous pretexte sanitaire, habiter la nuit est (re)devenu un moyen de s’organiser loin des regards, de se retrouver et d’expérimenter d’autres temporalités, imposées cette fois par les mesures sanitaires. Nuits Blanches raconte des nuits comme beaucoup d’autres, celles d’une jeunesse militante, queer, leurs joies, leurs inquiétudes et leurs amours. 

L’année suivante sort Pas Dormir, de Marie Darieussecq, et je reçois son titre comme j’ai écrit le mien - comme un refus de gosse, une issue de secours, à la recherche d’espace mouvants, capables de contenir la vitesse et l’angoisse. La nuit occupe une place prédominante dans mon travail, parce qu’elle peut tout, qu’elle arrache à tout, et qu’elle nous est pour toujours inconnue. À la fois terrain ami et dangereux, ces nuits blanches rendent compte d’un temps suspendu, étiré, interdit et pourtant bien vécu. Lors de cette série j’attendais la publication de mon receuil La nuit t’arrache à moi, je crois que c’était aussi un dernier merci à ce que j’ai pu vivre dans la nuit, et un dernier hommage à ceux qui s’y sont perdus.

Un accompagnement musical à cette série ici

Autour de ce projet - Expositions


2023
Nuits Blanches, installation éphémère, Passerelles de l’université Paris 3, Campus Nation, Paris.



Le monde réouvre aujourd'hui.
Je sais pas pour combien de temps, j’ai pas suivi l’arrêt, j’ai pas arrêté de vivre.
Je suis beaucoup sorti ces derniers mois.




Appris à poser le boîtier quand c'était plus nécessaire,
appris que l'alcool ne m'empêche pas de bien cadrer dans le noir et dans la journée.

Comme plein de gens, mes nuits blanches n'ont pas de fin. J'ai rencontré beaucoup de monde, photographié beaucoup de visages.




écrit j’ai envie de prendre de la coke parce que je me fais chier, cycle infini de la violence, du poing dans le mur

écouter sebastian





























Mes nuits blanches sont sans malice.
                                    
Elles empruntent des chemins reconnus, la fête, les flacons de poppers, les bouteilles de gin et les langues qui se collent.
  La tendresse dans la nuit, j’avais oublié.                                          

 
Appuyer sur le déclencheur quand il se passe rien d'autre que tomber dans le vide,
appuyer sur mes tempes,
j'ai mal au crâne, mais on survit.







Dans le taxi j'envoie
"je suis pas triste je suis juste fatigué", le matin ça va mieux

























je tombe amoureux quand j'éteins la lumière.



Aimer ça se fait seul, ça se fait à quinze, j'ai rencontré beaucoup de gens.
Aimé beaucoup de visages.

Rien écrit de particulier, quand on vit sa vie on écrit rien de particulier.


Fumé beaucoup de cigarettes, mal de gorge persistaNT
La nuit coupée à l’éther, j'avais oublié                                                 
















le petit faible que j'avais pour son parfum.
Pour tout ce qui déraille, et tout ce qui se distord.


           Pour tout ce qui se gobe en deux secondes,
          tout ce qui se bouffe sous la peau.





La nuit t'arrache, ma nuit, à moi, la nuit t'arrache à moi.
Et c'est plus grave, cet arrachement.




Je me détache en m’attachant, la nuit se trace nerveusement, sur un coin de table, les espaces diurnes s'effeuillent avec les dents.
                                                                                                       
        C’est la même chose.

   
          La nuit mon royaume, tout le monde y est déjà mort.
          La nuit ma merveille. Ma crise de nerfs et mon dernier bastion quand le monde perd de sa superbe.

          Je lui dit comme on se dit à soi même, à bientôt. À bientôt de te revoir mon amour.
          Quand je pourrais te supporter, quand on se battra à armes égales.


          Et dans ses rues, où je marche, où je roule, comme avant, un peu trop vite ou un peu trop lentement


Ça parle de rien de précis.
Ça parle d'aimer des gens.
Ça parle de taxis et de sang.

je ne sais pas si on se sèvre un jour de courir vite.